La fin des samouraïs

Depuis la restauration de Meiji, les samouraïs ont perdu de nombreux privilèges. Le gouvernement impérial engagea de nombreuses réformes visant à moderniser l’État, mais provoqua par la même occasion la colère des guerriers japonais qui menèrent de nombreuses révoltes afin de préserver leurs traditions.
En décembre 1867, le shogun Tokugawa Yoshinobu abdique et rend son pouvoir à l’empereur Meiji. Le 3 janvier 1868, la restauration impériale est proclamée. Les réformes administratives et politiques s’enchaînent les années suivantes et mettent à bas les fondements de l’Ancien Régime. En dépassant les anciennes coutumes, l’empereur veut intégrer son pays dans la communauté internationale. Il veut faire du Japon un pays riche avec une armée forte et capable de tenir tête aux pays occidentaux en assimilant leurs technologies tout en maintenant un esprit japonais.
Les fiefs et les seigneuries sont supprimés et remplacés par des départements avec à leurs têtes des préfets. Les daimyō sont appelés par l’empereur à venir résider dans la ville d’Edo, la future capitale impériale Tokyo, entraînant la disparition de l’ancienne cour de Kyoto. Les anciens statuts sociaux sont également supprimés et permettent notamment la liberté de circulation. Les Japonais, qui portent désormais un nom de famille, sont autorisés à monter à cheval et ne sont plus obligés à saluer le front contre terre le cortège d’une personne de haut rang.
En 1873, un décret sur la conscription fixe les conditions de la mise en place d’une nouvelle armée dont les membres sont issus de l’ensemble des couches de la population. Cette réforme touche directement les samouraïs qui se considéraient comme les seuls guerriers à pouvoir se servir des armes et à combattre. En 1876, le port du sabre est proscrit sauf pour les officiers de l’armée ou de la police. Les transformations de la société japonaise causèrent de grands conflits politiques et sociaux entre une société conservatrice et une société portée par le progrès.
Les premiers combats
Le gouvernement Meiji décida également, en 1876, de mettre fin à l’ancienne rétribution des samouraïs. A l’époque, l’État shogunal et les seigneurs payaient leurs vassaux par l’intermédiaire d’un revenu calculé en fonction de la noblesse du lignage des guerriers. Désormais, l’État de Meiji offrit aux anciens samouraïs des obligations publiques gagées en or correspondant à de fortes sommes. Certains combattants en profitèrent pour acheter des terres et devenir propriétaires fonciers, d’autres entrèrent dans la haute fonction publique ou devinrent professeurs, médecins ou avocats. Mais ils sont désormais tous soumis à l’impôt.
Des anciens samouraïs n’ont pas su gérer leur bien en investissant par exemple dans de mauvais placements. Ils se sont appauvris d’années en années et ont vu parfois leur fortune couler. Outre la disparition de leur patrimoine, les signes de la puissance des samouraïs comme le sabre ou le droit seul de circuler à cheval leur sont retirés. Des combattants sont même contraints de travailler à l’usine et certaines filles de samouraïs se livrent à la prostitution pour survivre. La colère gronde, car ils se sentent trahis par le gouvernement Meiji.
Certains guerriers déçus du régime entrent dans des factions qui prônent l’action armée contre le nouveau gouvernement. Chargé de la justice en 1872, Etō Shinpei, mène une série de réformes visant à séparer le pouvoir judiciaire du pouvoir administratif. En 1873, avec Saigō Takamori et Itagaki Taisuke, il veut intervenir en Corée mais est désavoué. Il reprocha ensuite au gouvernement son caractère autoritaire et déclencha une insurrection à Saga regroupant plus de deux mille samouraïs. La révolte est réprimée en quelques jours et Etō Shinpei est exécuté.
La rébellion de Satsuma
De nombreux troubles éclatent par la suite au Japon avec à leurs têtes des samouraïs furieux des nouvelles mesures engagées. En 1877, Saigō Takamori décide de mener une action militaire contre le gouvernement. Dix ans plus tôt, ce samouraï avait combattu le shogunat et organisé la restauration impériale en alliant, à Satsuma, les fiefs du sud-ouest. Il fut un personnage très important du nouveau régime, mais fut accusé par son ami Ōkubo Toshimichi, en 1873, d’être un aventurier irresponsable désirant faire la guerre en Corée sans préparation.
Saigō démissionne et se retire à Kagoshima, la capitale de l’ancien fief de Satsuma, où il fonde une académie pour enseigner l’art de la guerre. Ses élèves, exaspérés par les nouvelles lois, décident de se révolter et de marcher sur la capitale depuis Satsuma en ralliant sur leur passage les opposants au régime. Saigō Takamori accepte de diriger la rébellion qui regroupe vingt mille hommes armés, prêts à mourir pour leur cause. Les jeunes samouraïs connaissent quelques succès, mais finissent par être encerclés par les forces gouvernementales.
Les combats sont violents et font de nombreux morts et blessés parmi les insurgés qui sont finalement écrasés. Blessé, Saigō Takamori finit par se suicider en se faisant seppuku le 24 septembre 1877. La rébellion de Satsuma porta un grand coup contre le nouveau régime mais marqua également la fin des samouraïs vaincus par une armée moderne.
Jules Brunet, le samouraï français
Lieutenant au régiment d'artillerie à cheval de la Garde impériale, Jules Brunet (1838-1911) fait partie de la mission militaire française au Japon de 1867-1868 qui avait pour objectif de former l’armée du shogun Tokugawa Yoshinobu. Après la défaite militaire et la capitulation du shogun, Jules Brunet, porté par son sens de l’honneur, ne veut pas abandonner ses camarades samouraïs et refuse de retourner en France. Il devint un membre du gouvernement de la république d’Ezo proclamée par les rebelles sur l'île de Hokkaidō jusqu’à l’arrivée des troupes de l’empereur et la reddition des samouraïs. Son histoire, ainsi que la révolte de Satsuma, ont inspiré le film Le Dernier Samouraï réalisé par Edward Zwick et sorti en 2003.
Article paru dans Point de vue Histoire n°37
