Le palais Alexandre
La dernière demeure officielle de Nicolas II

A la suite de l’abdication de Nicolas II le 15 mars 1917, la famille impériale a été retenue prisonnière quelques mois dans le palais Alexandre avant d’être transférée à Tobolsk et Iekatérinbourg. Située dans l’ancienne ville de Tsarskoïe Selo, à côté de Saint-Pétersbourg, la résidence qui fut fondée au XVIIIe siècle côtoie également le célèbre palais Catherine au cœur de nombreux parcs et jardins majestueux.
Tsarskoïe Selo, aujourd’hui appelé Pouchkine en l’honneur de l’écrivain qui y fit ses études, est devenu au fil du temps la résidence d’été de la famille impériale de Russie. Le « village du tsar » fut fondé à partir de 1708 lorsque Pierre Ier le Grand offrit à Catherine Ière ce territoire situé au sud-ouest du port de Saint-Pétersbourg. L’impératrice y fit construire plusieurs maisons et une ménagerie qui servait de réserve pour les chasses impériales. Après sa mort, sa fille Élisabeth Ière décida d’en faire sa résidence de campagne et ordonna, en 1752, la construction d’une immense demeure qu’elle nommera le palais Catherine* en l’honneur de sa mère.
L’impératrice Catherine II, qui régna sur la Russie de 1762 à 1796, commanda à l’architecte italien Giacomo Quarenghi l’édification d’un palais pour son petit-fils favori, le futur Alexandre Ier, à l’occasion de son mariage avec la princesse Élisabeth Alexeïevna. La construction du palais Alexandre commence alors en 1792 au nord du parc de Tsarskoïe Selo. Le bâtiment néoclassique est composé d’une double colonnade corinthienne de couleur blanche joignant deux ailes symétriques à la façade jaune pâle. Deux statues représentant deux jeunes garçons, l’un jouant aux osselets et l’autre à la svaika, un jeu populaire russe, seront rajoutées en 1838 devant la cour d’honneur. Le peintre et historien d’art, Igor Grabar (1871-1960), écrivit à propos du palais : « Il en existe des plus grands et des plus royaux, mais il n’en existe pas avec une architecture aussi belle que celui-ci ».
Le parc Alexandre, d’une superficie de 200 hectares, complète ce cadre magnifique. Il se divise en un Nouveau jardin, aménagé au milieu du XVIIIe siècle et dont l’entrée principale se trouve devant la façade ouest du palais Catherine, et un parc paysager qui se développa entre les années 1780 et 1830. Au sud du parc se trouvent le Village chinois conçu par l’architecte écossais Charles Cameron à partir 1780, ainsi que le Grand Caprice qui est constitué d’une arche de pierres surmontée d’une rotonde au style chinois.
La prison dorée de Nicolas II
Au printemps 1796, six mois avant le décès de Catherine II, le palais devient habitable. Lorsqu’il fut empereur, Alexandre Ier préféra séjourner l’été dans le palais Catherine, délaissant petit à petit la résidence que lui offrit sa grand-mère. Son frère Nicolas Ier se prit d’affection pour l’édifice et améliora son intérieur en réaménageant certaines salles. Depuis son règne, le palais est devenu traditionnellement la résidence d’été officielle des empereurs.
Alexandre III et sa femme Marie Fedorovna installèrent des appartements dans l’aile est du bâtiment. Leur fils, Nicolas II, naîtra dans le palais le 18 mai 1868. Ce dernier s’y établit définitivement à partir de 1905 après les événements du Dimanche rouge, la famille impériale n’étant plus en sécurité au palais d’Hiver de Saint-Pétersbourg. A l’intérieur du palais Alexandre, l’impératrice ajouta des décors Art nouveau. La pièce d’érable et le bureau du tsar furent également transformés. Le palais devint à la pointe de la modernité avec l’installation de l’électricité, d’un réseau téléphonique et d’un ascenseur reliant la suite de l’impératrice aux chambres des enfants situées au deuxième étage.
Après l’abdication de l’empereur, la famille impériale fut gardée au sein même du palais par les bolchéviques. Isolés du monde extérieur, Nicolas II et sa famille occupèrent leur temps libre par des promenades dans le parc, du jardinage, de la lecture et de la couture. Le 31 juillet 1917, ils sont déplacés à Tobolsk, en Sibérie, avant d’être plus tard assassinés à Iekatéringbourg dans la villa Ipatiev.
Un musée d’État
A partir de 1918, le palais fut transformé en musée. La partie centrale du bâtiment et les appartements de la famille impériale pouvaient être visités. L’aile ouest fut occupée plus tard par des membres du NKVD qui l’utilisèrent comme maison de repos. Au deuxième étage de l’aile est, les chambres des enfants servirent d’orphelinat. Pendant la Seconde Guerre mondiale, lorsque Pouchkine fut envahit par les Allemands, le palais abrita la Wehrmacht et la Gestapo. Les caves servirent de prisons et la place devant le palais de cimetière pour les soldats allemands.
Le palais fut légué en 1946 à l’Académie des sciences de l’URSS afin qu’elle puisse entreposer ses collections. Les intérieurs furent alors rénovés entre 1947 et 1951. Certaines salles ont même été recréées selon les normes de l’époque. Le gouvernement russe décida ensuite de déplacer le Département de la Marine soviétique dans le palais Alexandre. Il fut à nouveau restauré en 1996 grâce à la subvention du Fonds mondial pour les monuments. Un an plus tard, l’exposition permanente Souvenirs du palais Alexandre sera créée dans les appartements privés des Romanov à l’occasion du 200e anniversaire de la construction du palais.
Aujourd’hui, les visiteurs peuvent admirer, entre autres, trois salles reconstituées à l’identique : le cabinet d’apparat de Nicolas II au sein duquel l’empereur réunissait ses ministres et jouait au billard, le Salon d’angle de l’impératrice qui y recevait des ministres et y organisait des concerts privés, et le Vestibule dans lequel les diplomates attendaient d’être reçus par le tsar. Des tableaux, costumes et certains jouets des enfants de la famille impériale y sont toujours exposés.
*Le palais Catherine
Situé dans la ville de Pouchkine, le palais Catherine a été construit entre 1752 et 1756 par l’architecte italien Bartolomeo Rastrelli. Le bâtiment de style baroque et long de 325 mètres fut commandé par l’impératrice Élisabeth Ière en l’honneur de sa défunte mère Catherine Ière. Célèbre notamment pour sa magnifique Chambre d’ambre et pour sa salle du Trône, le palais Catherine est l’un des symboles les plus marquants de la splendeur de Saint-Pétersbourg et de la puissance du pouvoir russe.
Article paru dans Point de vue Histoire n°33
