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Classé monument historique depuis 1985, le château d’Eu fut construit à partir de 1578 par Henri Ier de Guise sur l’emplacement d’un ancien château fort rasé un siècle auparavant. La demeure fut rénovée par Anne-Marie-Louise d'Orléans, dite la Grande Mademoiselle, puis devint la résidence préférée du roi Louis-Philippe lors de son règne. Le bâtiment abrite aujourd’hui la mairie de la ville d’Eu ainsi que le musée Louis-Philippe riche de nombreuses collections.

Autour de l’an mille, un château fort fut édifié dans la ville d’Eu par les Vikings. Le duc de Normandie, Guillaume, et la future reine Mathilde se marièrent dans la forteresse en 1050. Prisonnière des Anglais et en route vers Rouen, Jeanne d’Arc passa une nuit dans une tourelle du château le 20 décembre 1430. Quarante-cinq ans plus tard, le roi Louis XI ordonna de brûler entièrement la ville d’Eu soupçonnée d’entretenir des liens avec les Anglais. Le château fort est alors rasé.

Catherine de Clèves, cousine germaine du roi Henri IV, hérita du comté d’Eu en 1564. Son second mari, Henri Ier de Guise, décida de construire un château sur l’emplacement de l’ancienne forteresse. L’assassinat du duc de Guise à Blois en 1588 sur l’ordre du roi Henri III mit un terme aux travaux. La seule aile construite deviendra l’actuel château d’Eu. Après avoir été la première dame d’honneur de Marie de Médicis, Catherine de Clèves se retira dans son château jusqu’à sa mort en 1633.

En 1660, Anne-Marie-Louise d’Orléans, dite la Grande Mademoiselle, acquit à son tour le comté-pairie d’Eu. La petite-fille du roi Henri IV rénova le château et y écrivit une partie de ses mémoires. Elle fut à l’origine de la galerie de Guise, une magnifique galerie de portraits qui fut détruite par un incendie en 1902 et reconstruite à l’identique un siècle plus tard. En 1681, Anne-Marie-Louise fut contrainte de céder le comté d’Eu à Louis-Auguste de Bourbon, duc du Maine et fils légitimé de Louis XIV et de Madame de Montespan, afin de libérer son amant le duc de Lauzun, détenu dans la prison de Pignerol pour avoir insulté la favorite de Louis XIV.

Les fils du duc du Maine moururent sans postérité. Le comté revint alors à Louis-Jean-Marie de Bourbon, duc de Penthièvre et petit-fils de Louis XIV. Sa fille, Marie-Adélaïde, épousa en 1769 Louis-Philippe d’Orléans, dit Philippe Égalité, qui vota la mort de son cousin le roi Louis XVI avant d’être lui-même guillotiné en 1793. A la mort de sa mère en 1821, Louis-Philippe Ier hérita du château d’Eu et entreprit de nombreux travaux sous la direction de l’architecte français Pierre Fontaine.

 

Une résidence royale

 

La famille d’Orléans apprécia grandement le château d’Eu notamment pour sa proximité avec la mer. Louis-Philippe y séjourna à la fin de chaque été, souvent accompagné par ses ministres logés dans un bâtiment annexe. Le château devint alors une résidence royale et connu sa plus belle période sous le règne du souverain. Le bâtiment de style Louis XIII aux hautes toitures à la française n’avait pas subi de dégradations majeures. Les travaux de restauration commencèrent en 1828. Les communs et les serres furent transformés, le grand hall central complété par un vestibule d’accueil et deux salons dans la longueur, et la salle à manger pouvant recevoir plus de cent cinquante invités fut aménagée à l’ouest.

La galerie centrale fut surélevée d’un étage. Les sols des appartements du rez-de-chaussée et du premier étage furent recouverts d’un magnifique parquet provenant de la scierie de Georges Packham, un mécanicien anglais qui se vit confier par Louis-Philippe l’établissement d’une minoterie dans l’un des moulins à blé du château. Une chapelle ornée de vitraux fabriqués à Sèvres fut construite au sud du château. Louis-Philippe fit redécorer la demeure par le peintre français Paul Delaroche et la remeubla avec notamment du mobilier provenant du célèbre ébéniste français Jacob-Desmalter.

La reine Victoria alors âgée de vingt-quatre ans se rendit au château d’Eu en 1843 grâce à l’instigation de Louise, fille de Louis-Philippe et reine des Belges, afin de réconcilier la France et l’Angleterre. Pendant cinq jours, la reine visita la ville, assista à de somptueuses fêtes au château, et s’entretint avec la famille royale. Elle se rendit une nouvelle fois au château deux ans plus tard de retour d’un voyage à Anvers. Ces deux voyages marquèrent de nombreux succès diplomatiques et selon l’expression de Guizot une Entente cordiale.

Lors de la révolution de 1848, Louis-Philippe et sa famille se réfugièrent en Angleterre au château de Claremont, malgré leur souhait de se retirer au château d’Eu. Philippe d’Orléans, comte de Paris et petit-fils de Louis-Philippe, reprend possession du château après la chute du Second Empire en 1870 et l’abrogation des décrets de confiscations des biens de la famille royale signés en 1852. Le château est restauré par Viollet-le-Duc à partir de 1874 jusqu’en 1879. L’architecte y installe un nouveau système d’éclairage et un chauffage central. A la mort du comte de Paris en 1894, son fils Philippe « duc d’Orléans » hérite du château et le vend à son cousin Gaston d’Orléans qui le lèguera à son tour à son fils Pierre d’Alcantara. Lors de la Seconde guerre mondiale, le château fut transformé en caserne allemande. En 1954, le domaine est acheté par une société d’études historiques et revendu dix ans plus tard au département de la Seine-Maritime et à la ville d’Eu.

 

Un musée éclectique

 

En 1973, le musée Louis-Philippe est créé au sein du château. Douze ans plus tard, l'Association des amis du Musée Louis-Philippe est fondée par Isabelle d'Orléans-Bragance. De nombreux objets qui furent les témoins du passé éclatant du château d’Eu sont exposés comme les services de porcelaine de Sèvres commandés par Louis-Philippe ou encore le coffret de la reine Marie-Amélie réalisé par le sculpteur Hyacinthe Régnier et le peintre Jules André.

De nombreux portraits rassemblés par la Grande Mademoiselle furent brûlés ou endommagés lors de la Révolution. Louis-Philippe réorganisa les tableaux restants par thèmes dans le salon des Rois, le salon des Bourbons et la galerie de Guise. Après la mort de la duchesse de Vendôme, une vente est organisée en 1950 et la collection est dispersée. Plusieurs œuvres ont été rachetées depuis par l’État, la région et l’Association. Ces acquisitions ont permis notamment de reconstituer la galerie de Guise.

Le musée Louis-Philippe conserve également une importante collection de sculptures. Louis-Philippe fit réaliser des moulages d’après les gisants de la collégiale de la ville d’Eu afin de constituer une série de bustes historiques. La Jeanne d’Arc sculptée en bronze de Marie d’Orléans, fille de Louis-Philippe et artiste reconnue, se trouve dans la galerie de Guise. Autre pièce majeure, la sculpture en bronze de l’artiste monégasque François-Joseph Bosio représentant Henri IV enfant fut offerte à la princesse Amélie à l’occasion de son mariage avec le roi du Portugal.

Des instruments, pagaies, arcs, et textiles complètent la collection du musée. Ces objets proviennent de plusieurs ethnies d’Amazonie dont celle des Shipibo-Conibos, comme en témoignent des sacs en toile décorés avec des formes géométriques de styles différents. Rapportée du Brésil par le comte et la comtesse d’Eu, cette collection ethnographique est très fragile et n’est visible que lors des expositions temporaires et les Journées du patrimoine.

*Le domaine du château d’Eu

Le domaine du château d’Eu comprend, en plus de son château, un jardin à la française et un parc paysager constitué d’arbres centenaires. Au XIXe siècle, le domaine connut de grandes transformations. Louis-Philippe restaura le pavillon Montpensier construit par la Grande Mademoiselle. Il fit creuser des pièces d’eau dans le parc et ordonna la création de nombreux chemins de promenades. Une statue équestre en bronze de Ferdinand-Philippe, fils aîné de Louis-Philippe, fut érigée devant la cour du château. Elle fut réalisée par le sculpteur français Carlo Marochetti après la mort tragique du duc d’Orléans en 1842.

Article paru dans Point de vue Histoire n°35

Le château d’Eu

La résidence d’été de Louis-Philippe

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