La galerie des Carrosses rouvre ses portes

Depuis le mardi 10 mai, la Grande Écurie du château de Versailles présente à nouveau au public l’une des plus importantes collections de carrosses en Europe. Ces voitures de luxe racontent chacune une page de l’Histoire de France, de la fin de l’Ancien Régime jusqu’à la République.
Le 6 juin 1825, un carrosse entièrement doré à la feuille d’or, tiré par huit chevaux, roule dans Paris. La voiture avance lentement au milieu d’une foule venue nombreuse. Le roi Charles X fait son entrée solennelle dans la capitale quelques jours après son sacre à Reims. Haute de 4,48m, longue de 6,70m, large de 2,60m et pesant environ 4 tonnes, la voiture a été doté à l’époque des dernières innovations : jantes d’une seule pièce, ressorts de onze lames ou encore un mécanisme permettant de rentrer les marchepieds. Cette berline d’exception fait partie de la collection des véhicules du château de Versailles que vous pourrez admirer dans la toute nouvelle galerie des Carrosses.
Chefs-d’œuvre artistiques et techniques, ces voitures sont un témoignage du luxe ostentatoire de la cour. Le succès de l’exposition « Roulez carrosses ! » entre 2012 et 2013 au musée des beaux-arts d’Arras, en partenariat avec le Château de Versailles, ont convaincu les organisateurs de renouveler l’expérience, cette fois-ci dans la Grande Écurie de Versailles. Les voitures ont connu un petit lifting comme l’explique Béatrix Saule, la directrice du musée des châteaux de Versailles et de Trianon : « La restauration des carrosses a été une œuvre collective, mené sous l’autorité d’un maître sellier, et qui rassemble des éléments d’une qualité artistique exceptionnelle, qu’il s’agisse de bronzes, de textiles, de sculptures ou du travail du fer. Nous avons voulu montrer ce luxe inouï dans toute sa splendeur et, bien sûr, la réhabilitation n’a pas été négligeable ».
La galerie des Carrosses a également été entièrement restaurée et s’étend désormais sur plus de 1000 m2. Le nouvel espace permet d’admirer les plus belles voitures d’Europe grâce à un éclairage adapté et à une scénographie réalisée dans le respect des lieux. Les Écuries royales du château de Versailles ont été construites par Jules Hardouin-Mansart entre 1679 et 1682. Près d’un millier d’écuyers, pages, valets de pied, cochers, palefreniers, maréchaux de forge, médecins, chirurgiens, etc. travaillaient dans ces bâtiments. Les chevaux étaient rangés selon leur race et leur robe et étaient séparés par des rangs simples ou doubles.
Dans la première galerie de l’exposition se trouvent les somptueuses berlines du mariage de Napoléon Ier. En 1810, l’empereur des Français obtient la main de Marie-Louise d’Autriche, la fille de François Ier. Pour célébrer la magnificence de cette union, Napoléon exige un cortège d’une quarantaine de voitures. A titre de comparaison, en pareille circonstance, les Bourbons n’utilisaient qu’une trentaine de véhicules. Certaines berlines du mariage impérial ont été conservées depuis comme La Cornaline et L’Améthyste. Le char funèbre de Louis XVIII fait également partie de ces voitures hippomobiles d’exception. Le frère cadet de Louis XVI meurt le 16 septembre 1824. Les funérailles ont lieu sept jours plus tard. Le cercueil est déposé sur le char sur un manteau en velours violet fleurdelisé et couvert par un drap en velours noir bordé d’hermine. Le convoi funèbre mène le roi défunt vers la basilique de Saint-Denis. Le corbillard avait déjà été utilisé pour les funérailles du maréchal Lannes en 1809, ainsi que celles du duc de Berry en 1820. Il resservira à plusieurs reprises au cours du XIXe siècle, notamment pour les obsèques des présidents de la IIIe République Sadi Carnot et Félix Faure.
Les plus jeunes visiteurs pourront l’espace d’un instant s’imaginer en prince ou princesse en observant les deux voitures d’enfant exposées. Ces berlines appartenaient à Louis-Joseph de France, fils aîné de Louis XVI, ainsi qu’au futur Louis XVII. Réalisées en modèle réduit par les plus grands carrossiers, elles présentent toutes les caractéristiques des véritables voitures. Elles étaient tirées par un valet ou attelées à des chiens, à des moutons ou à des chèvres. Ces véhicules sont les seuls vestiges de la collection de carrosses de la Cour sous l’Ancien Régime. Malheureusement, des centaines de voitures de luxe datant de cette époque ont disparu ou ont été revendues au fil des siècles. Symboles de la monarchie, certaines furent vandalisées pendant la Révolution française : « Le grand carrosse royal depuis le règne de Louis XIV est un lieu sacré symbolique du corps du roi », indique au micro de France 3 Hélène Delalex, attachée de conservation, en charge de la galerie des Carrosses. « Le droit d’entrer dans la voiture est un insigne privilège. En détruisant le carrosse du roi on attente à la personne même du souverain, à son symbole le plus absolu. » Désormais, les voitures qui ont résisté aux affres du temps exposent fièrement leurs splendeurs sous les voûtes de la galerie des Carrosses au sein de ce « Salon de l’automobile des XVIIIe et XIXe siècles ».
La galerie des Carrosses, à partir du 10 mai 2016, Grande Écurie du roi, château de Versailles, Place d'Armes, 78000 Versailles. chateauversailles.fr
Article paru dans Point de vue